FR
Il y a, ici même, une chose qui vit en moi !
Elle tourne, virevolte, danse, saute et vole enfin —
Moi, je la regarde, ébloui, désemparé,
Depuis la terre sourde de mes os plantés.
Toujours elle me revient, l’enragée, la folle !
Ses semelles d’écorce craquent sur les étoiles,
Ses ailes de feu brûlent les horizons bleus,
Son corps de lumière éventre (m)les cieux !
Avec elle, je sens le goût du sel, l’amer,
Nos vies éclatent d’épices en colères,
Parfums de nos pays déchirés, sanglants,
Parfum du monde en feu sous le vent !
Ô chose terrible et belle qui me dévore,
Toi qui danses dans mes chairs encore,
Tu es la soif, tu es la rage, tu es l’éveil —
Et moi je brûle sous ton soleil vermeil !
EN
There is, right here, a thing that lives in me!
It turns, it whirls, it dances, leaps and flies at last—
I watch it, dazzled, lost in reverie,
From the deaf earth where my bones are cast.
Always it returns to me, the mad one, the wild!
Its bark-soled feet crack upon the stars,
Its wings of fire burn horizons mild,
Its body of light splits the sky with scars!
With it, I taste the bitter salt’s sharp sting,
Our lives burst forth with spices full of rage,
Perfumes of our torn countries, blood-offering,
Perfume of the world ablaze beneath wind’s cage!
O terrible and beautiful thing that devours me,
You who dance still within my flesh,
You are the thirst, you are the rage, you are the key—
And I burn beneath your sun’s vermillion mesh!
David – Poésie
Le tableau en illustration s’intitule « Paysage au clair de lune » et il a été peint par Aert van der Neer en 1652.