• La voie poétique d’Allen Ginsberg

    Le septième épisode « bonus » sur l’écriture poétique et spirituelle d’un des plus grands poètes de la Beat Generation.
    Vous pouvez, dès aujourd’hui, écouter l’épisode sur le poète : Allen Ginsberg

    L’épisode est disponible ici et sur toutes les plateformes habituelles.

    David – Poète & Philosophe

  • Antiope, un poème au bord du Thiou à Annecy

     

    Je tiens aujourd’hui à vous faire découvrir, pour vous Annéciennes et Annéciens ou simples voyageurs, ma recommandation d’un endroit que j’ai découvert récemment et dans lequel je retourne maintenant très souvent. Ce lieu fait partie de ces lieux qui semblent tenir en équilibre entre le rêve et la réalité.
    À Annecy, au détour du passage Gruffaz, Antiope se dévoile ainsi : une librairie-café indépendante, nichée au bord du Thiou, où l’eau claire se faufile comme un souffle ancien. On entre chez Antiope comme on franchit le seuil d’un poème : avec un léger tremblement, une curiosité d’enfant, et la promesse d’une rencontre…et d’un sourire que j’ai eu à chacun de mes passages.

    Dès les premiers pas, les rayonnages se dressent comme des forêts de papier. On y croise des romans voyageurs, des polars énigmatiques, des essais qui interrogent notre temps… Mais c’est dans le rayon Poésie que l’âme s’attarde, happée par les voix multiples qui murmurent entre les pages. Rimbaud et Char côtoient des plumes plus récentes, venues rappeler que la poésie est toujours vivante, toujours vibrante, prête à enflammer une lecture silencieuse ou un souffle à voix haute. Comme vous vous en doutez, quand j’ai vu qu’il y avait un rayon poésie assez important, ce lieu m’a quelque part un peu adopté.

    Et puis, au fond de la librairie, le décor change. Les couvertures colorées et les dessins malicieux signalent le territoire de l’enfance. C’est l’espace jeunesse, où les livres se transforment en lanternes magiques pour guider les premiers pas des lecteurs, l’espace préféré de mes filles amatrices de littérature et de dark romance. Quand le rayon poésie côtoie le rayon jeunesse, on pourrait presque entendre à cet endroit les éclats de rire et les chuchotements d’histoires racontées au coin d’un lit.

    Mais cette librairie n’est pas seulement un lieu de rencontre livresque. Entre deux étagères se glissent des cartes postales fines comme des haïkus, des carnets aux pages blanches qui n’attendent que les confidences d’une plume, des papiers délicats qui transforment l’écriture en geste sacré. Ici, tout invite à l’art de la correspondance, à l’envie de déposer sur papier un mot, une pensée, une déclaration. Chaque objet est un petit talisman offert au quotidien.

    Puis vient le temps de s’asseoir…
    Quelques tables discrètes se posent au bord du Thiou, sur ce passage Gruffaz où l’on sent battre le cœur d’Annecy. Là, un café fumant réchauffe les mains. Un chocolat chaud devient une révélation — douceur et audace en un seul parfum. L’instant prend une texture nouvelle. La boisson se fait compagnon de lecture, la page se tourne au rythme du clapotis de l’eau.

    Le café d’Antiope est plus qu’un simple service : c’est une invitation à suspendre le temps. On s’y installe pour converser doucement, pour rêver à demi, ou simplement pour regarder passer le flux de la ville, un livre ouvert comme une barque sur la rive.

    Il y a dans ce lieu une atmosphère qu’aucun supermarché du livre ne saura jamais reproduire.
    Antiope respire la bienveillance et la simplicité. Les libraires, passionnés, vous guident sans imposer, écoutent avant de proposer, sourient comme on tend une clé. Chaque visiteur devient un compagnon de voyage, chaque conversation un partage discret de poésie et d’humanité.

    On y ressort toujours un peu différent. Plus léger. Comme si, au bord du Thiou, on avait retrouvé un fragment de soi-même.

    Alors maintenant, pourquoi pousser la porte d’Antiope me demanderez-vous ?

    Parce qu’Antiope n’est pas seulement une librairie, ni seulement un café.
    C’est un refuge poétique au cœur d’Annecy. Un lieu où l’on vient chercher des mots, et où l’on repart avec une émotion. Où les enfants trouvent leurs premières histoires, où les adultes renouent avec la beauté fragile des vers. Où les voyageurs de passage découvrent qu’Annecy ne se résume pas à ses montagnes et à son lac, mais aussi à ces havres discrets où l’art et la vie se tiennent par la main.

    Antiope est un poème habité, écrit chaque jour par ceux qui le fréquentent.
    Si vous passez à Annecy, laissez-vous guider par le murmure du Thiou : il vous mènera tout droit à ce lieu hors du temps, où l’on savoure les mots comme on savoure un café au soleil.

    Lieu : 4, passage Gruffaz, 74000 Annecy, au bord du Thiou

    Téléphone : 04 56 49 27 63

    Email : librairiecafe.antiope@gmail.com

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  • 81. Marches

    FR

    Je monte les marches,
    une à une,
    le dos lourd d’une vie durement vécue.
    Arpentant un ciel que les mythologies m’ont conté,
    suggérant leurs images d’une conscience à peine perçue.

    Me voici,
    pénétrant dans l’enceinte lumineuse,
    au bout du marbre teinté des couleurs d’un ciel noir, trop connu.
    Le froid, le vide, cette lourde porte et mon cœur tremblant si fort dans la cage de mon corps pâle,
    à la terre rendu.

    Enfin léger,
    percevrais-je, en l’instant, la vie telle que je l’aurais dû ?
    Non comme ce fardeau qui m’a si souvent, en deux, fendu ?

    Je n’ai d’autre choix que d’être là,
    ici et maintenant, autrement.
    Entier pour savourer la poésie du chant des secondes éternelles s’égrenant d’un amour jamais rompu.

    Le bois s’entrouvre devant moi, au rythme de mes pas.
    Elle est si grande et si large que je n’en vois pas le bout,
    et son odeur ténue…

    Je ne saurais oublier ce moment, disparaissant.
    Son visage et son regard emplis du froid et des flammes, toute ma vie maintenant contenue.

    D’une voix profonde et claire,
    il prononça les mots, cette phrase, dont je ne me souviens plus.
    Je ne saurais vous dire en cet instant,
    mais sa voix glissa sur moi, à travers moi, emplit l’espace
    figea instantanément la toute dernière chose que réellement je fus.

    De mes yeux les larmes roulèrent jusqu’à la plante de mes pieds,
    jusqu’à me noyer dans un océan de remords et de joie.
    Du temps et des choses entièrement fondus.
    Le liquide vibrant ne fit plus qu’un en mon âme,
    dernier contenant d’une histoire déjà plus qu’entrevue.

    Je suis partie et, oui, je ne me suis plus battue.
    Mon cœur ne souhaitait désormais que la paix et non les horizons distordus de l’humain corrompu.
    J’ai illuminé le noir des cœurs.
    J’ai percé les secrets les mieux cachés.
    Il n’y a rien que je n’aie su ou obtenu.

    Ses mots me reviennent maintenant…
    D’une voix douce et clair…
    « Il n’y a rien que tu puisses faire qui changera la fin. »

    EN

    I climb the steps,
    one by one,
    my back heavy with a life hard-lived.
    Walking through a sky that mythologies have told me,
    suggesting their images of a consciousness barely perceived.

    Here I am,
    entering the luminous sanctuary,
    at the end of marble tinged with colors of a black sky, too familiar.
    The cold, the void, this heavy door and my heart trembling so fierce
    within the cage of my pale body,
    rendered unto earth.

    At last weightless,
    would I perceive, in this instant, life as I should have known it?
    Not as this burden that has so often split me in two?

    I have no choice but to be here,
    now and present, otherwise.
    Whole, to savor the poetry of eternal seconds’ song
    flowing from a love never broken.

    The wood opens before me to the rhythm of my steps.
    It is so vast and wide I cannot see its end,
    and its tenuous scent…

    I could never forget this moment, vanishing.
    His face and gaze filled with cold and flames,
    my entire life now contained.

    In a voice deep and clear,
    he spoke the words, that phrase, which I no longer remember.
    I cannot tell you in this instant,
    but his voice slid over me, through me, filled the space
    and instantly froze the very last thing I truly was.

    From my eyes tears rolled down to the soles of my feet,
    until I drowned in an ocean of remorse and joy.
    Time and all things entirely melted.
    The vibrant liquid became one within my soul,
    final vessel of a story already more than glimpsed.

    I departed and, yes, I fought no more.
    My heart desired henceforth only peace,
    not the distorted horizons of corrupted humanity.
    I have illuminated the darkness of hearts.
    I have pierced the best-hidden secrets.
    There is nothing I have not known or obtained.

    His words return to me now…
    In a voice gentle and clear…
    « There is nothing you can do that will change the end. »

     

    David – Poésie

    Ce poème, je l’ai écrit dans l’avion de retour de San Francisco. Un long vol entre sommeil et écriture. Le fruit mur d’un rêve que je vous partage. La photo en illustration a été prise par moi dans la librairie et maison d’édition qui a écrit un bout de l’histoire de San Francisco City Lights

  • 80. A la fleur de vent

    FR

    Terre ?
    De quelle terre pourrais-je te parler ?
    Pas de celle que je connais,
    pas de celle que j’ai foulée,
    non… pas celle-là.

    Terre ?
    Peut-être celle, inconnue à ton cœur,
    qui t’a vu naître,
    qui a fermé tes yeux aux larmes,
    et ton cœur aux lames
    du désespoir et des pleurs.

    Terre ?
    Une terre pastel
    qui t’a chanté la couleur de ses fleurs,
    celles qui peuplent chaque parcelle de ton cœur,
    si innombrables
    que De Jussieu y perdit la vue… et la vie.

    Contempler tant de beauté
    c’est s’élever jusqu’à l’extase inhumaine,
    c’est rendre au botaniste
    l’âme des Dieux,
    lui qui ne vit plus désormais
    que pour écrire
    des odes lumineuses.

    Là-bas, la gloire des poètes est célébrée,
    ceux qui ont écrit ton nom
    comme on inscrit un serment dans la pierre.
    Moi, je suis là,
    te parlant des heures et du temps,
    et, ton égal,
    je ne souhaite
    que respirer ton attention.

    Serais-je l’immatériel,
    le plus important ?
    Celui que tu n’accueilleras plus comme un autre
    mais comme toi-même,
    comme ta part aimante et mystérieuse.

    Celle que tu chéris dans tes songes,
    celle qui te rassure,
    celle dont tu voudrais
    qu’elle ne quitte jamais
    l’espace infini
    de tes bras.

    EN

    Earth?
    Of what earth could I dare to speak?
    Not of the one I know,
    not of the one my steps did seek,
    no… not that below.

    Earth?
    Perhaps the one unknown to your heart,
    that saw your birth,
    that closed your eyes from tears that start,
    and kept your heart from the blades of dearth,
    from sorrow’s sharpened art.

    Earth?
    A pastel land
    that sang to you the hue of flowers’ bloom,
    the ones that crowd each parcel of your land,
    so countless in their fragrant room
    that De Jussieu there lost his sight… and life’s own hand.

    To gaze on beauty such as this
    is to ascend where mortals cease,
    to gift the botanist a godlike bliss,
    whose hours now are only these—
    to write in light, in odes of peace.

    There, the poets’ glory is proclaimed,
    those who have carved your name in stone,
    as if in vow, forever framed.
    And I am here,
    speaking to you of hours and time alone,
    your equal, wishing only near
    to breathe your presence as my own.

    Am I the immaterial one,
    the most profound?
    The soul you welcome as none
    but yourself found,
    your loving and mysterious part,
    the treasure of your secret heart.

    The one you cradle in your dreams,
    the one whose voice your spirit deems
    a shelter deep, a tender flame,
    the one you wish would still remain
    and never leave the boundless skies
    of your embracing arms and eyes.

    David – Poésie

  • La voie poétique de Francis Jammes

    Le sixième épisode « bonus » sur l’écriture poétique et spirituelle d’un poète à la simplicité naturelle et magnifique.
    Vous pouvez, dès aujourd’hui, écouter l’épisode sur le poète : Francis Jammes

    L’épisode est disponible ici et sur toutes les plateformes habituelles.

    David – Poète & Philosophe

  • La voie poétique d’andré Breton

    Le cinquième épisode « bonus » sur l’écriture poétique et spirituelle d’un poète surréaliste.
    Vous pouvez, dès aujourd’hui, écouter l’épisode sur le poète : André Breton

    L’épisode est disponible ici et sur toutes les plateformes habituelles.

    David – Poète & Philosophe

  • Un livre inutile – Christian Bobin

    En février 1992, Christian Bobin publie simultanément deux livres qui vont changer le cours de sa carrière littéraire. « Le Très-Bas » chez Gallimard lui apporte la notoriété, mais « Un livre inutile » chez Fata Morgana révèle l’essence même de sa poétique.

    Cette œuvre méconnue de 67 pages constitue un véritable art poétique déguisé en exercice critique, où Bobin transforme l’analyse littéraire en création pure. Loin d’être anecdotique, ce petit livre broché sur papier vergé ivoire dévoile les fondements secrets de l’écriture bobinienne et marque l’aboutissement de sa collaboration avec l’une des plus belles maisons d’édition françaises.

    « – C’est quoi, un livre inutile ? – C’est un livre qui ne parle que des livres, comme celui-ci. – Alors pourquoi l’écrire ? – Les livres sont des boîtes à musique remplies d’encre. J’ai voulu recueillir, juste avant qu’elles s’éteignent, quelques notes grêles, quelques airs de berceuse. »

    Cette ouverture en forme de dialogue fictif révèle d’emblée le génie de Bobin : transformer l’exercice critique en conversation intime. L’auteur y développe sa métaphore révolutionnaire des « boîtes à musique remplies d’encre », comparant chaque livre à un mécanisme musical fragile dont il faut saisir les dernières notes avant qu’elles ne s’estompent. Cette conception de la littérature comme musique éphémère traverse toute l’œuvre de Bobin, mais nulle part elle n’est exprimée avec autant de clarté poétique.

    Le livre rassemble sept portraits d’écrivains traités selon une méthode révolutionnaire. Bobin évite « les sentiers habituels du commentaire » pour créer un « échange souterrain » avec ses auteurs de prédilection. Paul Claudel, figure habituellement antipathique, devient le « petit Paul », être simple proche de la nature. Franz Kafka révèle son essence poétique « subtile, impersonnelle ». Cette approche transforme radicalement l’exercice critique traditionnel.

    1992 marque une année charnière dans la vie de Christian Bobin. À 41 ans, installé dans son HLM du Creusot « avec vue sur le paysage usinier », il vit une période d’équilibre créatif exceptionnel. Sa relation platonique avec Ghislaine Marion, rencontrée en 1979, atteint son apogée inspirateur. Cette femme mariée, mère de trois enfants, représente pour lui une « seconde naissance » et nourrit directement l’écriture de ses « livres cardinaux ».

    Bobin entretenait une correspondance épistolaire profonde avec Bruno Roy, l’éditeur de Fata Morgana, depuis le milieu des années 1980. Ces lettres, d’ailleurs publiées sous le titre « Lettres d’or » en 1987, témoignent d’une complicité artistique rare. Vivant dans une forme de « dénuement volontaire », Bobin avait trouvé en Bruno Roy un éditeur-artisan qui partageait sa vision de l’écriture comme nécessité vitale plutôt que comme ambition mondaine.

    La publication simultanée d’ »Un livre inutile » et du « Très-Bas » illustre parfaitement cette tension entre écriture confidentielle et reconnaissance publique. Bobin pressentait que le succès du « Très-Bas » (plus de 400 000 exemplaires vendus) allait transformer sa vie d’écrivain. « Un livre inutile » peut se lire comme une méditation sur cette transition, une réflexion sur l’authenticité littéraire face aux « attentes et triomphes mondains ».

    Bruno Roy, fondateur de Fata Morgana en 1966, se définissait comme un artisan plutôt qu’un éditeur : « Faire des livres est un ‘art mineur’, mixte de travail manuel et intellectuel, de création et d’exécution que je vois assez proche de la cuisine, de la poterie. » Cette philosophie correspondait parfaitement à l’univers de Bobin, qui recherchait l’harmonie entre forme et fond.

    L’édition originale d’ »Un livre inutile » témoigne de cette exigence artisanale. Imprimé le 13 février 1992 chez Monti à Cognac, le livre comprend 1460 exemplaires sur papier vergé ivoire, précédés de 40 exemplaires de tête sur vélin pur fil Johannot. Ces derniers, cotés aujourd’hui 120 euros, révèlent la reconnaissance bibliophile de cette œuvre. La typographie soignée, la couverture à rabats, le format 125 x 220 mm : chaque détail participait à créer un objet-livre à la hauteur du texte.

    Fata Morgana cultive depuis plus de cinquante ans un « dialogue à trois entre l’écrivain, l’artiste et l’éditeur ». Cette maison d’édition, aujourd’hui la plus ancienne encore vivante de la région Occitanie, privilégie les « textes courts, atypiques, singuliers »  – exactement ce que proposait Bobin avec ses méditations fragmentaires.

    « Un livre inutile » constitue l’un des premiers exemples de ce qu’on pourrait appeler la « critique créative » dans la littérature française contemporaine. Bobin y développe une méthode qui influencera toute son œuvre ultérieure : au lieu d’analyser frontalement ses maîtres, il « parle juste à côté », créant un univers parallèle où ces écrivains révèlent des aspects inattendus de leur génie.

    Sa vision de Paul Claudel illustre parfaitement cette approche : « J’ai découvert un petit Paul, différent de l’ambassadeur à la barbe fleurie, différent de l’homme de lettres aux certitudes de bronze ». Bobin transforme ainsi l’auteur de « L’Annonce faite à Marie » en « être simple, proche de la nature », révélant une humanité cachée derrière la figure officielle.

    Cette méthode anticipe les formes hybrides de la littérature contemporaine, où les frontières entre création et critique s’estompent. Bobin écrit : « Quand je n’écris pas c’est que quelque chose en moi ne participe plus à la conversation des étoiles », définissant l’écriture comme participation mystique à l’univers plutôt que comme exercice intellectuel.

    Le titre « Un livre inutile » cache une philosophie profonde de l’art pour l’art, loin des préoccupations commerciales ou idéologiques. Bobin assume pleinement cette « inutilité » revendiquée : « La littérature n’est rien de plus qu’une berceuse ? – Ce serait déjà beaucoup si elle atteignait à la gaieté des airs qui endorment une enfance, cette gaieté mélancolique si étrange. »

    Cette conception de la littérature comme « berceuse » révèle une dimension souvent ignorée de l’œuvre de Bobin : sa relation à l’enfance comme source d’émerveillement authentique. Il écrit : « Une petite fille mange du chocolat. Il y a plus de lumière sur le papier d’argent enveloppant le chocolat que dans les yeux des sages. » Cette phrase saisissante résume toute sa poétique : préférer la simplicité émerveillée à la sophistication intellectuelle.

    Le paradoxe de l’inutilité devient alors une nécessité vitale. Comme le témoigne un lecteur contemporain : « Un livre tellement inutile qu’il m’est devenu indispensable. » Cette contradiction apparente révèle la fonction essentielle de la poésie dans l’existence humaine : être inutile au sens pratique mais indispensable au sens spirituel.

    En conclusion

    « Un livre inutile » demeure un témoignage unique de la capacité de Christian Bobin à transformer l’exercice critique en création poétique pure. Cette œuvre de transition révèle les fondements secrets de son art : la conversation mystique avec les morts, la transformation de l’analyse en rêverie, la recherche de l’essentiel dans l’apparent superflu. Publié au moment où Bobin basculait de l’écriture confidentielle vers la notoriété, ce livre constitue une méditation prophétique sur l’authenticité littéraire face aux tentations mondaines.

    Plus qu’un simple exercice critique, « Un livre inutile » invente une forme nouvelle où la lecture devient écriture, où l’hommage se transforme en création originale. En définissant la poésie comme « la vie limpide quand elle entre en nous pour prendre connaissance d’elle-même », Bobin livre la clé de son univers : une littérature où l’inutilité revendiquée devient la plus haute des nécessités.

    Vous pouvez vous procurer ce livre inutile directement sur le site des éditions Fata Morgana

    David – Poète & philosophe

  • La voie poétique de Charles Baudelaire

    Le quatrième épisode « bonus » sur l’écriture poétique et spirituelle d’un des plus grands poètes de l’humanité.
    Vous pouvez, dès aujourd’hui, écouter l’épisode sur le poète : Charles Baudelaire

    L’épisode est disponible ici et sur toutes les plateformes habituelles.

    David – Poète & Philosophe

  • La voie poétique de Jean Claude HUBERT

    Le troisième épisode « bonus » sur l’écriture poétique d’un poète totalement inconnu est maintenant disponible.
    Vous pouvez, dès aujourd’hui, écouter l’épisode sur le poète : Jean Claude HUBERT

    L’épisode est disponible ici et sur toutes les plateformes habituelles.

    David – Poète & Philosophe

  • Me contacter

    Dans un monde où tout va trop vite, où les mots s’échappent à la vitesse d’un clic, où l’instantané est devenu la norme… je vous propose un geste à contre-courant : m’écrire une lettre. Une vraie. Une de celles qui traversent les saisons, les montagnes, les cœurs et le silence. Une lettre en papier, avec votre écriture, votre souffle, vos hésitations, votre âme.

    Pourquoi ?

    Parce que la parole écrite à la main possède une résonance que le numérique a trop souvent perdue.
    Parce que dans chaque lettre, il y a une présence. Une attention. Une forme de magie.
    Parce que recevoir une enveloppe, la tenir dans ses mains, l’ouvrir lentement, la lire dans le calme… est un rituel d’humanité et de profondeur.

    Tout est possible.

    • pour me proposer une collaboration artistique ou éditoriale,

    • pour m’ouvrir votre cœur, ou me raconter votre chemin,

    • pour entamer une correspondance philosophique,

    • pour me partager vos poèmes,

    • pour commenter les miens,

    • pour me parler de votre lien au monde, à la nature, à l’invisible…

    • ou simplement pour dire bonjour, d’une manière qui ne s’efface pas dans une notification.

    Je vous répondrai. Avec soin, respect et sincérité.

    Posez votre lettre sur le bord de votre conscience,
    et laissez-la voguer jusqu’à moi.
    Nous tisserons, peut-être, un fil d’échange et d’amitié…
    à l’ancienne, mais si vivant.

    Ici même, et merci de m’indiquer votre consentement en pied de lettre, je publierai les meilleurs. Les lettres qui m’ont le plus touché ou parlé. Sans cette indication, notre échange restera privé.

    À très bientôt,

    David

    P.S : Je profite également de ce message pour vous informer que désormais VoiePoetique.com est présent et actif sur les réseaux sociaux libres et décentralisés Mastodon.art et PixelFed. Un autre moyen sympa de suivre l’activité du site de manière libre !

  • 79. Lumière voyageuse

    FR
    Il y a, ici même, une chose qui vit en moi !
    Elle tourne, virevolte, danse, saute et vole enfin —
    Moi, je la regarde, ébloui, désemparé,
    Depuis la terre sourde de mes os plantés.

    Toujours elle me revient, l’enragée, la folle !
    Ses semelles d’écorce craquent sur les étoiles,
    Ses ailes de feu brûlent les horizons bleus,
    Son corps de lumière éventre (m)les cieux !

    Avec elle, je sens le goût du sel, l’amer,
    Nos vies éclatent d’épices en colères,
    Parfums de nos pays déchirés, sanglants,
    Parfum du monde en feu sous le vent !

    Ô chose terrible et belle qui me dévore,
    Toi qui danses dans mes chairs encore,
    Tu es la soif, tu es la rage, tu es l’éveil —
    Et moi je brûle sous ton soleil vermeil !

    EN
    There is, right here, a thing that lives in me!
    It turns, it whirls, it dances, leaps and flies at last—
    I watch it, dazzled, lost in reverie,
    From the deaf earth where my bones are cast.
    Always it returns to me, the mad one, the wild!

    Its bark-soled feet crack upon the stars,
    Its wings of fire burn horizons mild,
    Its body of light splits the sky with scars!

    With it, I taste the bitter salt’s sharp sting,
    Our lives burst forth with spices full of rage,
    Perfumes of our torn countries, blood-offering,
    Perfume of the world ablaze beneath wind’s cage!

    O terrible and beautiful thing that devours me,
    You who dance still within my flesh,
    You are the thirst, you are the rage, you are the key—
    And I burn beneath your sun’s vermillion mesh!

    David – Poésie

    Le tableau en illustration s’intitule « Paysage au clair de lune » et il a été peint par Aert van der Neer en 1652.

  • La voie poétique d’Arthur Rimbaud

    Le troisième épisode « bonus » sur la vie d’une poétesse ou d’un poète est maintenant disponible.

    Vous pouvez, dès aujourd’hui, écouter l’épisode sur la vie d’un de mes poètes préférés : Arthur Rimbaud

    L’épisode est disponible ici et sur toutes les plateformes habituelles.

    David – Poète & Philosophe

  • 78. Ville

    FR

    Ville au reflet d’esprits,
    Empilée, comprimée, quelques animations…
    Une lumière perçant les champs de béton
    D’une architecture parfois majestueuse, parfois rude et précaire.

    La ville se monte à grande vitesse,
    Dans un chaos ne réclamant qu’à faire naître l’ordre invisible,
    L’asphalte déroulant sa course folle,
    Tapissant la terre pour montrer le chemin.

    Tournant de gauche puis de droite,
    Pour finalement se perdre dans les méandres
    De ce labyrinthe de fer et de pierres.

    La nature n’y est qu’ornement,
    Tenant le second rôle
    Caché par ce que certains nommeront le génie humain.
    Pourtant respiration des hommes,
    Elle n’est plus que loisir et passe-temps.

    Des rayons chaleureux associés aux ténèbres opaques
    Se posent sur l’esprit précédemment tumultueux.
    Les formes hideuses disparaissent, se fondent
    Pour disparaître sous les assauts de la lune Tubal-Caïnne,

    Une forme d’harmonie,
    Un chant d’outre-monde,
    Inonde la ville des esprits endormis.

    EN

    City reflecting spirits,
    Stacked, compressed, with scattered animations…
    A light piercing through fields of concrete
    Of architecture sometimes majestic, sometimes crude and precarious.

    The city rises at breakneck speed,
    In chaos that seeks only to birth invisible order,
    Asphalt unfurling its mad race,
    Carpeting the earth to show the way.

    Turning left then right,
    Only to lose itself in the meanders
    Of this labyrinth of iron and stone.

    Nature is but ornament here,
    Plays only the second role
    Hidden by what some will call human genius.
    Yet the very breath of men,
    It becomes mere leisure and pastime.

    Warm rays mingled with opaque shadows
    Settle upon the previously tumultuous spirit.
    Hideous forms vanish, dissolve
    To disappear beneath the gentle assaults of the guardian moon,

    A form of harmony,
    A song from beyond worlds,
    Floods the city of sleeping spirits.

    David – Poésie

     

  • Je, d’un accident d’amour – Loïc Demey

    Il existe des livres qui nous tombent des mains par ennui, d’autres par émerveillement. Le premier recueil de Loïc Demey, « Je, d’un accident ou d’amour », publié aux éditions Cheyne et récompensé par le Prix SGDL Révélation de poésie en 2016, appartient à cette seconde catégorie. Non pas qu’il soit d’un accès immédiat – bien au contraire –, mais parce qu’il opère sur nous cette magie rare de la sidération linguistique.

    L’originalité de ce texte tient en une contrainte aussi simple qu’audacieuse : l’absence totale de verbes. « Dans son livre, les êtres ne s’aiment pas, ils s’amour », résume parfaitement cette transgression grammaticale. Demey a choisi de bâtir un récit d’amour en évacuant le moteur même de l’action, le verbe, pour ne garder que l’essence poétique des substantifs et des adjectifs.

    Cette contrainte oulipienne pourrait sembler artificielle, mais elle révèle au contraire une profonde cohérence poétique. Car l’amour, justement, n’est-il pas cet état où l’être se fait substance pure, où l’on devient davantage qu’on n’agit ? « Adèle se robe rouge et talons à l’affût sur le fauteuil. Je me serviette, elle se debout et m’autour du cou. Je me chancelant, je me trac. Elle me chuchotements d’amour à l’oreille » : dans ces lignes flotte une sensualité immédiate, une présence charnelle que ne ternirait aucune conjugaison.

    Loïc Demey, né en 1977 en Lorraine où il enseigne l’éducation physique et sportive, s’inspire « des univers poétiques et musicaux » pour « détourner et bousculer la langue afin d’y trouver la bonne tonalité ». Ce détournement n’est jamais gratuit : il sert une esthétique de l’épurement où chaque mot compte, où la syntaxe se fait rythme.

    L’inspiration vient d’une chanson d’Arthur H, elle-même inspirée d’un poème de Ghérasim Luca. Cette filiation révèle l’appartenance de Demey à une lignée expérimentale qui, de Luca à Arthur H en passant par les surréalistes, n’a cessé d’interroger les possibles de la langue française. Mais là où Luca jouait sur les sonorités et les répétitions, Demey creuse l’ellipse et l’implicite.

    Sans verbes, le texte acquiert une musicalité particulière, celle d’un jazz sans batterie où seuls les solos s’enchaînent. Les phrases s’étirent, se contractent, créent un rythme nouveau fondé sur la surprise syntaxique et l’attente déçue. « La pièce se sombre, je m’orage. La fermeture éclair. La robe, tonnerre. Sa tunique en l’air et ses dessous à terre. La rue se lune, le ciel se nuit. Je la nue. »

    Cette prose poétique fonctionne par images fulgurantes, par associations libres qui rappellent l’écriture automatique des surréalistes tout en gardant une cohérence narrative. L’amour s’y déploie dans sa dimension la plus sensuelle et la plus imaginaire, entre accident et évidence.

    Au-delà de l’expérimentation formelle, ce livre questionne notre rapport au temps et à l’existence amoureuse. Comme l’explique l’auteur : « Puisque le réel ne peut être raconté, il tente de dire ce qu’il en reste. À savoir sa sensation ». L’absence de verbes traduit cette volonté de saisir l’amour non dans son déroulement chronologique mais dans sa pure présence.

    Cette démarche rejoint paradoxalement une certaine tradition mystique où l’extase se dit par la négation, par ce qui lui manque plutôt que par ce qu’elle est. Ici, c’est par l’absence du verbe que se révèle la plénitude de l’être amoureux. Le « je » du titre oscille entre accident et amour, comme si ces deux termes étaient les deux faces d’une même expérience existentielle.

    Il y a chez Demey une véritable érotisation de la langue elle-même. Ses « mots sont des sensations avant de déclencher des émotions », et cette sensualité langagière contamine l’ensemble du texte. L’amour physique et l’amour des mots se confondent dans une même célébration de l’incarnation.

    Cette approche charnelle de l’écriture rappelle certains passages de L’Amant de Marguerite Duras ou les expérimentations d’Hélène Cixous, mais avec une radicalité formelle qui lui est propre. Demey ne décrit pas l’amour, il le fait advenir dans et par la langue malmenée, réinventée.

    « Je, d’un accident ou d’amour » n’est pas un livre qu’on lit, c’est un livre qu’on éprouve. Sa brièveté – 44 pages seulement – concentre une intensité rare. Chaque page demande un effort d’adaptation, une complicité active du lecteur qui doit réapprendre à lire, à construire du sens à partir de fragments syntaxiques.

    Certains lecteurs avouent s’être « sentis essoufflés » par cette lecture, « perdus » parfois dans ce que raconte l’auteur. Cette difficulté fait partie intégrante de l’expérience esthétique proposée : comme l’amour, ce texte demande un abandon, une confiance aveugle en sa logique interne.

    En conclusion

    Avec ce premier opus, Loïc Demey signe l’émergence d’une voix singulière dans le paysage poétique contemporain. Son approche expérimentale n’est jamais gratuite : elle sert un projet esthétique cohérent où la contrainte libère plutôt qu’elle n’entrave.

    Dans une époque où la poésie cherche souvent ses marques entre lyrisme néo-romantique et prosaïsme du quotidien, Demey propose une troisième voie : celle d’une radicalité formelle au service d’une authenticité émotionnelle. Son accident de la langue révèle finalement les possibles insoupçonnés de notre amour des mots.

    Ce livre mérite sa place dans toute bibliothèque poétique contemporaine, non seulement pour son originalité formelle mais surtout pour sa capacité à renouveler notre rapport à la langue amoureuse. Un livre à découvrir, à relire, à laisser infuser – comme tous les vrais accidents qui changent une vie.

    David – Poète & Philosophe

  • Aller léger de Nanao Sakaki

    Aller léger, publié en 2024 aux éditions Héros-Limite, est une anthologie de près de 130 poèmes de Nanao Sakaki, traduits pour la première fois en français par Jérôme Dumont. Ce recueil rassemble des textes issus de ses trois principaux ouvrages : Real Play, Break the Mirror et Let’s Eat Stars, offrant ainsi une plongée dans l’univers singulier de ce poète japonais, figure méconnue de la Beat Generation.

    Né en 1923, Nanao Sakaki a mené une vie de nomade, parcourant le Japon, les États-Unis, l’Australie et la Mongolie, souvent à pied, en quête de rencontres et d’expériences. Proche de Gary Snyder et Allen Ginsberg, il incarne une figure atypique de la contre-culture, mêlant influences zen, taoïstes et anarchistes. Son engagement écologique et pacifiste transparaît dans ses poèmes, qui célèbrent la nature et dénoncent les dérives de la société industrielle.

    La poésie de Sakaki se caractérise par sa simplicité désarmante et son humour bienveillant. Il invite à une contemplation joyeuse du monde, à une attention aux petites choses, aux sensations éphémères. Ses vers, souvent courts et rythmés, évoquent des scènes de la vie quotidienne, des paysages naturels, des réflexions philosophiques, toujours avec une légèreté qui n’exclut pas la profondeur.

    Au-delà de la célébration de la nature, Sakaki exprime une critique lucide des atteintes à l’environnement et des injustices sociales. Il prône une vie simple, en harmonie avec la terre, et appelle à une prise de conscience collective. Son poème « Manifesto« , par exemple, imagine une île indépendante, libre de toute pollution et de toute autorité oppressive, symbole d’un idéal de société respectueuse de la nature et des êtres vivants.

    Aller léger est une invitation à ralentir, à observer, à ressentir. C’est un recueil qui se lit comme on marche en forêt, en prêtant attention aux détails, en se laissant surprendre par la beauté du monde. La traduction de Jérôme Dumont restitue avec finesse la musicalité et la clarté des textes originaux, rendant accessible au lecteur francophone l’univers poétique de Sakaki.

    En conclusion

    Aller léger est bien plus qu’un recueil de poèmes : c’est un compagnon de route pour celles et ceux qui cherchent à vivre en accord avec leurs valeurs, à cultiver la joie et la simplicité, à s’engager pour un monde plus juste et plus beau. La voix de Nanao Sakaki, à la fois douce et déterminée, résonne comme un appel à la liberté et à l’émerveillement.

    Vous pouvez vous procurer Aller léger directement sur le site Des éditions Héros-Limite

    David – Poète & Philosophe