Voie Poétique

𝐿𝑒𝑠 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑒𝑚𝑝𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 đ‘đ‘œđ‘’Ìđ‘Ąđ‘–đ‘žđ‘ąđ‘’đ‘  


  • Il existe des livres qui nous tombent des mains par ennui, d’autres par Ă©merveillement. Le premier recueil de LoĂŻc Demey, « Je, d’un accident ou d’amour », publiĂ© aux Ă©ditions Cheyne et rĂ©compensĂ© par le Prix SGDL RĂ©vĂ©lation de poĂ©sie en 2016, appartient Ă  cette seconde catĂ©gorie. Non pas qu’il soit d’un accĂšs immĂ©diat – bien au contraire –, mais parce qu’il opĂšre sur nous cette magie rare de la sidĂ©ration linguistique.

    L’originalitĂ© de ce texte tient en une contrainte aussi simple qu’audacieuse : l’absence totale de verbes. « Dans son livre, les ĂȘtres ne s’aiment pas, ils s’amour », rĂ©sume parfaitement cette transgression grammaticale. Demey a choisi de bĂątir un rĂ©cit d’amour en Ă©vacuant le moteur mĂȘme de l’action, le verbe, pour ne garder que l’essence poĂ©tique des substantifs et des adjectifs.

    Cette contrainte oulipienne pourrait sembler artificielle, mais elle rĂ©vĂšle au contraire une profonde cohĂ©rence poĂ©tique. Car l’amour, justement, n’est-il pas cet Ă©tat oĂč l’ĂȘtre se fait substance pure, oĂč l’on devient davantage qu’on n’agit ? « AdĂšle se robe rouge et talons Ă  l’affĂ»t sur le fauteuil. Je me serviette, elle se debout et m’autour du cou. Je me chancelant, je me trac. Elle me chuchotements d’amour Ă  l’oreille » : dans ces lignes flotte une sensualitĂ© immĂ©diate, une prĂ©sence charnelle que ne ternirait aucune conjugaison.

    LoĂŻc Demey, nĂ© en 1977 en Lorraine oĂč il enseigne l’Ă©ducation physique et sportive, s’inspire « des univers poĂ©tiques et musicaux » pour « dĂ©tourner et bousculer la langue afin d’y trouver la bonne tonalité ». Ce dĂ©tournement n’est jamais gratuit : il sert une esthĂ©tique de l’Ă©purement oĂč chaque mot compte, oĂč la syntaxe se fait rythme.

    L’inspiration vient d’une chanson d’Arthur H, elle-mĂȘme inspirĂ©e d’un poĂšme de GhĂ©rasim Luca. Cette filiation rĂ©vĂšle l’appartenance de Demey Ă  une lignĂ©e expĂ©rimentale qui, de Luca Ă  Arthur H en passant par les surrĂ©alistes, n’a cessĂ© d’interroger les possibles de la langue française. Mais lĂ  oĂč Luca jouait sur les sonoritĂ©s et les rĂ©pĂ©titions, Demey creuse l’ellipse et l’implicite.

    Sans verbes, le texte acquiert une musicalitĂ© particuliĂšre, celle d’un jazz sans batterie oĂč seuls les solos s’enchaĂźnent. Les phrases s’Ă©tirent, se contractent, crĂ©ent un rythme nouveau fondĂ© sur la surprise syntaxique et l’attente déçue. « La piĂšce se sombre, je m’orage. La fermeture Ă©clair. La robe, tonnerre. Sa tunique en l’air et ses dessous Ă  terre. La rue se lune, le ciel se nuit. Je la nue. »

    Cette prose poĂ©tique fonctionne par images fulgurantes, par associations libres qui rappellent l’Ă©criture automatique des surrĂ©alistes tout en gardant une cohĂ©rence narrative. L’amour s’y dĂ©ploie dans sa dimension la plus sensuelle et la plus imaginaire, entre accident et Ă©vidence.

    Au-delĂ  de l’expĂ©rimentation formelle, ce livre questionne notre rapport au temps et Ă  l’existence amoureuse. Comme l’explique l’auteur : « Puisque le rĂ©el ne peut ĂȘtre racontĂ©, il tente de dire ce qu’il en reste. À savoir sa sensation ». L’absence de verbes traduit cette volontĂ© de saisir l’amour non dans son dĂ©roulement chronologique mais dans sa pure prĂ©sence.

    Cette dĂ©marche rejoint paradoxalement une certaine tradition mystique oĂč l’extase se dit par la nĂ©gation, par ce qui lui manque plutĂŽt que par ce qu’elle est. Ici, c’est par l’absence du verbe que se rĂ©vĂšle la plĂ©nitude de l’ĂȘtre amoureux. Le « je » du titre oscille entre accident et amour, comme si ces deux termes Ă©taient les deux faces d’une mĂȘme expĂ©rience existentielle.

    Il y a chez Demey une vĂ©ritable Ă©rotisation de la langue elle-mĂȘme. Ses « mots sont des sensations avant de dĂ©clencher des Ă©motions », et cette sensualitĂ© langagiĂšre contamine l’ensemble du texte. L’amour physique et l’amour des mots se confondent dans une mĂȘme cĂ©lĂ©bration de l’incarnation.

    Cette approche charnelle de l’Ă©criture rappelle certains passages de L’Amant de Marguerite Duras ou les expĂ©rimentations d’HĂ©lĂšne Cixous, mais avec une radicalitĂ© formelle qui lui est propre. Demey ne dĂ©crit pas l’amour, il le fait advenir dans et par la langue malmenĂ©e, rĂ©inventĂ©e.

    « Je, d’un accident ou d’amour » n’est pas un livre qu’on lit, c’est un livre qu’on Ă©prouve. Sa briĂšvetĂ© – 44 pages seulement – concentre une intensitĂ© rare. Chaque page demande un effort d’adaptation, une complicitĂ© active du lecteur qui doit rĂ©apprendre Ă  lire, Ă  construire du sens Ă  partir de fragments syntaxiques.

    Certains lecteurs avouent s’ĂȘtre « sentis essoufflĂ©s » par cette lecture, « perdus » parfois dans ce que raconte l’auteur. Cette difficultĂ© fait partie intĂ©grante de l’expĂ©rience esthĂ©tique proposĂ©e : comme l’amour, ce texte demande un abandon, une confiance aveugle en sa logique interne.

    En conclusion

    Avec ce premier opus, LoĂŻc Demey signe l’Ă©mergence d’une voix singuliĂšre dans le paysage poĂ©tique contemporain. Son approche expĂ©rimentale n’est jamais gratuite : elle sert un projet esthĂ©tique cohĂ©rent oĂč la contrainte libĂšre plutĂŽt qu’elle n’entrave.

    Dans une Ă©poque oĂč la poĂ©sie cherche souvent ses marques entre lyrisme nĂ©o-romantique et prosaĂŻsme du quotidien, Demey propose une troisiĂšme voie : celle d’une radicalitĂ© formelle au service d’une authenticitĂ© Ă©motionnelle. Son accident de la langue rĂ©vĂšle finalement les possibles insoupçonnĂ©s de notre amour des mots.

    Ce livre mĂ©rite sa place dans toute bibliothĂšque poĂ©tique contemporaine, non seulement pour son originalitĂ© formelle mais surtout pour sa capacitĂ© Ă  renouveler notre rapport Ă  la langue amoureuse. Un livre Ă  dĂ©couvrir, Ă  relire, Ă  laisser infuser – comme tous les vrais accidents qui changent une vie.

    David – PoĂšte & Philosophe

  • Aller lĂ©ger, publiĂ© en 2024 aux Ă©ditions HĂ©ros-Limite, est une anthologie de prĂšs de 130 poĂšmes de Nanao Sakaki, traduits pour la premiĂšre fois en français par JĂ©rĂŽme Dumont. Ce recueil rassemble des textes issus de ses trois principaux ouvrages : Real Play, Break the Mirror et Let’s Eat Stars, offrant ainsi une plongĂ©e dans l’univers singulier de ce poĂšte japonais, figure mĂ©connue de la Beat Generation.

    NĂ© en 1923, Nanao Sakaki a menĂ© une vie de nomade, parcourant le Japon, les États-Unis, l’Australie et la Mongolie, souvent Ă  pied, en quĂȘte de rencontres et d’expĂ©riences. Proche de Gary Snyder et Allen Ginsberg, il incarne une figure atypique de la contre-culture, mĂȘlant influences zen, taoĂŻstes et anarchistes. Son engagement Ă©cologique et pacifiste transparaĂźt dans ses poĂšmes, qui cĂ©lĂšbrent la nature et dĂ©noncent les dĂ©rives de la sociĂ©tĂ© industrielle.

    La poĂ©sie de Sakaki se caractĂ©rise par sa simplicitĂ© dĂ©sarmante et son humour bienveillant. Il invite Ă  une contemplation joyeuse du monde, Ă  une attention aux petites choses, aux sensations Ă©phĂ©mĂšres. Ses vers, souvent courts et rythmĂ©s, Ă©voquent des scĂšnes de la vie quotidienne, des paysages naturels, des rĂ©flexions philosophiques, toujours avec une lĂ©gĂšretĂ© qui n’exclut pas la profondeur.

    Au-delĂ  de la cĂ©lĂ©bration de la nature, Sakaki exprime une critique lucide des atteintes Ă  l’environnement et des injustices sociales. Il prĂŽne une vie simple, en harmonie avec la terre, et appelle Ă  une prise de conscience collective. Son poĂšme « Manifesto« , par exemple, imagine une Ăźle indĂ©pendante, libre de toute pollution et de toute autoritĂ© oppressive, symbole d’un idĂ©al de sociĂ©tĂ© respectueuse de la nature et des ĂȘtres vivants.

    Aller lĂ©ger est une invitation Ă  ralentir, Ă  observer, Ă  ressentir. C’est un recueil qui se lit comme on marche en forĂȘt, en prĂȘtant attention aux dĂ©tails, en se laissant surprendre par la beautĂ© du monde. La traduction de JĂ©rĂŽme Dumont restitue avec finesse la musicalitĂ© et la clartĂ© des textes originaux, rendant accessible au lecteur francophone l’univers poĂ©tique de Sakaki.

    En conclusion

    Aller lĂ©ger est bien plus qu’un recueil de poĂšmes : c’est un compagnon de route pour celles et ceux qui cherchent Ă  vivre en accord avec leurs valeurs, Ă  cultiver la joie et la simplicitĂ©, Ă  s’engager pour un monde plus juste et plus beau. La voix de Nanao Sakaki, Ă  la fois douce et dĂ©terminĂ©e, rĂ©sonne comme un appel Ă  la libertĂ© et Ă  l’Ă©merveillement.

    Vous pouvez vous procurer Aller léger directement sur le site Des éditions Héros-Limite

    David – PoĂšte & Philosophe

  • Audio transcription :

    PubliĂ© en 1893, Au jardin de l’Infante est le premier recueil d’Albert Samain, poĂšte symboliste français dont l’Ɠuvre, empreinte de dĂ©licatesse et de musicalitĂ©, offre une plongĂ©e dans un univers onirique et mĂ©lancolique. Ce recueil, saluĂ© Ă  sa parution, tĂ©moigne d’une sensibilitĂ© exacerbĂ©e et d’une quĂȘte d’idĂ©al qui rĂ©sonne avec les aspirations spirituelles et esthĂ©tiques de la fin du XIXe siĂšcle.​

    Samain s’inscrit pleinement dans le mouvement symboliste, cherchant Ă  suggĂ©rer plutĂŽt qu’Ă  dĂ©crire, Ă  Ă©voquer l’invisible Ă  travers le visible. Ses poĂšmes, souvent comparĂ©s Ă  des tableaux, dĂ©peignent des paysages intĂ©rieurs oĂč l’Ăąme se reflĂšte dans des images empreintes de mystĂšre et de beautĂ©. L’influence de peintres comme Watteau ou Boucher se fait sentir, notamment dans la reprĂ©sentation de figures fĂ©minines idĂ©alisĂ©es et de scĂšnes empreintes de nostalgie.​

    Le poĂšme Ă©ponyme, L’Infante, ouvre le recueil et en constitue le cƓur symbolique. L’Infante, figure aristocratique et mĂ©lancolique, incarne l’Ăąme du poĂšte, solitaire et en quĂȘte d’absolu. Elle Ă©volue dans un palais dĂ©sertĂ©, entourĂ©e de souvenirs d’une grandeur passĂ©e, reflĂ©tant l’exil intĂ©rieur et la quĂȘte de sens. La mĂ©taphore filĂ©e de l’Ăąme comme une infante en robe de parade souligne cette identification entre le moi profond et la figure fĂ©minine idĂ©alisĂ©e.

    Le recueil explore des thĂšmes chers au symbolisme : la mĂ©lancolie, le rĂȘve, la fuite du temps, la beautĂ© Ă©vanescente. Les poĂšmes sont traversĂ©s par une nostalgie diffuse, une aspiration Ă  un ailleurs inaccessible. La nature y est souvent idĂ©alisĂ©e, servant de miroir aux Ă©tats d’Ăąme du poĂšte. La musicalitĂ© des vers, l’usage de l’alexandrin et des images Ă©vocatrices contribuent Ă  crĂ©er une atmosphĂšre envoĂ»tante.

    À sa parution, Au jardin de l’Infante connaĂźt un succĂšs notable, valant Ă  Samain le prix de poĂ©sie Archon-DespĂ©rouses en 1889 . Le recueil est saluĂ© pour sa finesse et sa sensibilitĂ©. Cependant, avec le temps, l’Ɠuvre de Samain tombe quelque peu dans l’oubli, jugĂ©e parfois trop prĂ©cieuse ou maniĂ©rĂ©e. NĂ©anmoins, des rééditions rĂ©centes, comme celle des ƒuvres poĂ©tiques complĂštes chez Classiques Garnier, permettent de redĂ©couvrir la richesse de son univers poĂ©tique.

    En conclusion

    Au jardin de l’Infante est un recueil qui mĂ©rite une redĂ©couverte attentive. Par sa musicalitĂ©, ses images Ă©vocatrices et sa profondeur symbolique, il offre une expĂ©rience poĂ©tique immersive, en rĂ©sonance avec des thĂ©matiques intemporelles telles que la quĂȘte de soi, la beautĂ© et le mystĂšre de l’existence. Pour les amateurs de poĂ©sie symboliste et les chercheurs de sens, l’Ɠuvre de Samain constitue une source d’inspiration et de mĂ©ditation.​

    David – PoĂšte & Philosophe

  • Audio transcription :

    La marche est un art, une mĂ©ditation en mouvement, une façon d’habiter le monde avec plus de lenteur et d’attention. De nombreux auteurs ont cĂ©lĂ©brĂ© les vertus de la promenade : Rousseau, Thoreau, Nietzsche, Walter Benjamin, chacun Ă  sa maniĂšre, a vu dans la marche une activitĂ© essentielle, presque philosophique. C’est dans cette lignĂ©e que s’inscrit Karl Gottlob Schelle, auteur du XIXe siĂšcle, qui livre dans L’art de se promener une rĂ©flexion sur la marche et ses bienfaits.

    À premiĂšre vue, le sujet a tout pour me plaire : une ode Ă  la lenteur, une cĂ©lĂ©bration du vagabondage intĂ©rieur et extĂ©rieur, un Ă©loge du corps en mouvement dans l’espace. Et pourtant, Ă  la lecture de cet ouvrage, je suis restĂ© mitigĂ©. Il y a du bon dans ce texte, des passages intĂ©ressants, mais aussi des lourdeurs, des rĂ©pĂ©titions, et une approche qui manque parfois de souffle et de profondeur.

    Il faut rappeler que Karl Gottlob Schelle Ă©crit en 1802. Son texte appartient Ă  une Ă©poque oĂč la marche commence Ă  ĂȘtre réévaluĂ©e comme une pratique noble, non plus seulement un moyen de dĂ©placement, mais un acte de rĂ©flexion, une expĂ©rience spirituelle. Il prĂ©cĂšde ainsi les Romantiques et les philosophes piĂ©tons du XIXe siĂšcle, et l’on peut saluer son intuition visionnaire.

    LĂ  oĂč le livre perd un peu en intĂ©rĂȘt, c’est dans son ton trop descriptif et parfois moralisateur. Schelle ne cherche pas tant Ă  nous faire ressentir la promenade qu’Ă  nous dire comment elle devrait ĂȘtre pratiquĂ©e, pourquoi elle est bĂ©nĂ©fique, et en quoi elle nous grandit.

    Or, la marche est avant tout une expĂ©rience sensorielle et intime. La rĂ©flexion de Schelle reste trop rationnelle, comme s’il s’agissait de convaincre un tribunal de la valeur de la promenade. On aurait aimĂ© plus d’évasion, plus de poĂ©sie, plus de ressenti personnel.

    MalgrĂ© mes rĂ©serves, L’art de se promener a de rĂ©elles qualitĂ©s.

    1. Un témoignage historique intéressant
      Schelle Ă©crit Ă  une Ă©poque oĂč la marche est encore perçue comme une activitĂ© triviale. En cela, il s’inscrit dans un mouvement de rĂ©habilitation, oĂč la promenade devient un acte philosophique, esthĂ©tique et moral. Il est un prĂ©curseur de ce qui deviendra, plus tard, une tradition intellectuelle forte.

    2. Des réflexions pertinentes sur les bienfaits de la marche
      Schelle Ă©voque les bienfaits physiques et mentaux de la promenade, et certains passages rĂ©sonnent encore aujourd’hui. Il parle de la marche comme d’un Ă©quilibre entre le corps et l’esprit, comme un moyen de se recentrer et d’échapper aux troubles de l’ñme.

    3. Un livre accessible
      Contrairement Ă  certains traitĂ©s philosophiques complexes, ce livre reste facile Ă  lire. Il peut ĂȘtre une introduction intĂ©ressante Ă  la rĂ©flexion sur la marche, mĂȘme si d’autres auteurs ont, depuis, approfondi ce sujet avec plus de finesse.

    Mais aussi quelques limites.

    1. Un ton professoral et un manque de lyrisme
      L’un des grands dĂ©fauts du texte est son ton trop acadĂ©mique. On ne ressent pas chez Schelle la joie pure de la promenade, cette sensation de libertĂ©, d’évasion, de dilatation de l’ĂȘtre que l’on retrouve chez un Rousseau ou un Thoreau.

    2. Un manque d’ancrage dans le sensible
      Schelle parle beaucoup de la promenade de maniĂšre thĂ©orique, mais il nous manque le vent dans les arbres, la sensation des pierres sous le pied, l’odeur de la terre aprĂšs la pluie. Son texte aurait gagnĂ© Ă  ĂȘtre plus incarnĂ©, plus sensoriel, plus vivant.

    3. Une approche parfois trop normative
      L’auteur ne se contente pas de vanter la marche, il semble vouloir dicter comment il faut se promener. Or, la beautĂ© de la marche rĂ©side justement dans sa libertĂ© absolue, dans le fait qu’elle ne rĂ©pond Ă  aucun dogme, aucun mode d’emploi.

    Si vous ĂȘtes passionnĂ© par l’histoire des idĂ©es, ce livre peut ĂȘtre intĂ©ressant, ne serait-ce que pour comprendre comment la marche est devenue un sujet philosophique. Mais si vous recherchez un texte vibrant, poĂ©tique, capable de vous donner envie de partir marcher dĂšs la premiĂšre page, mieux vaut vous tourner vers Henry David Thoreau (De la marche), FrĂ©dĂ©ric Gros (Marcher, une philosophie) ou encore Sylvain Tesson.

    En conclusion

    L’art de se promener est un livre intĂ©ressant, mais pas captivant. Il propose une rĂ©flexion historique et philosophique sur la marche, mais manque d’émotion et de chair. Il reste une curiositĂ©, un texte Ă  lire pour comprendre une Ă©poque, mais pas une Ɠuvre qui marque profondĂ©ment l’ñme du lecteur.

    En refermant ce livre, je n’ai pas eu cette irrĂ©sistible envie de chausser mes bottes et d’aller marcher. Or, pour un ouvrage qui prĂ©tend cĂ©lĂ©brer la promenade, c’est peut-ĂȘtre lĂ  son plus grand Ă©chec.

    David – PoĂšte & Philosophe

  • Audio transcription :

    Dans le vaste paysage des revues littĂ©raires contemporaines, certaines publications se distinguent par leur engagement esthĂ©tique, leur exigence Ă©ditoriale et leur ouverture sur le monde. C’est le cas de L’Ours Blanc, une revue littĂ©raire indĂ©pendante qui trace son sillon avec discrĂ©tion mais dĂ©termination. À travers des textes de poĂ©sie, des traductions et des Ɠuvres expĂ©rimentales, L’Ours Blanc incarne une certaine idĂ©e de la littĂ©rature : celle qui prend son temps, qui dialogue avec d’autres langues, qui cherche Ă  faire rĂ©sonner la voix des auteurs dans toute leur singularitĂ©.

    DĂšs le premier regard, L’Ours Blanc intrigue. Son format minimaliste, proche du livret, ses couleurs pastel et sa typographie Ă©lĂ©gante rappellent les revues littĂ©raires d’un autre temps, celles qui faisaient le pari du papier comme espace de rencontre entre le texte et le lecteur. Rien d’agressif ou de commercial ici : chaque numĂ©ro est conçu comme un objet Ă  part, un Ă©crin oĂč la littĂ©rature s’exprime sans concession.

    Le soin apportĂ© Ă  l’objet physique se reflĂšte Ă©galement dans le contenu : chaque numĂ©ro met Ă  l’honneur un ou plusieurs auteurs, souvent traduits. On trouve ainsi dans les derniĂšres parutions des textes d’Elena Rivera, poĂ©tesse et traductrice d’origine franco-amĂ©ricaine, ou encore de Sissi Tax, Ă©crivaine autrichienne dont l’Ɠuvre explore les zones de friction entre le langage et l’identitĂ©.

    L’un des aspects remarquables de L’Ours Blanc est son engagement envers la traduction. La revue se veut un pont entre diffĂ©rentes langues et sensibilitĂ©s, mettant en avant des auteurs internationaux tout en offrant au lecteur francophone des traductions de grande qualitĂ©. Chaque texte est accompagnĂ© du nom du traducteur, soulignant ainsi l’importance du travail d’interprĂ©tation et d’adaptation.

    Dans le numĂ©ro d’automne 2024, on retrouve ainsi Elena Rivera, traduite de l’anglais par Nathalie Koble, et Sissi Tax, dont le texte a Ă©tĂ© transposĂ© de l’allemand par Vincent Barras et RJ. Ces choix Ă©ditoriaux montrent une volontĂ© d’ouvrir la poĂ©sie française Ă  d’autres traditions, d’autres rythmes, d’autres maniĂšres d’envisager le langage.

    Dans un monde littĂ©raire souvent tournĂ© vers l’instantanĂ©itĂ© et la nouveautĂ© Ă  tout prix, L’Ours Blanc prend le contrepied en s’ancrant dans un temps plus long, celui de la lecture attentive et de la transmission.

    Autre particularitĂ© de la revue : son prix. À 6 euros l’exemplaire, L’Ours Blanc reste accessible Ă  tous ceux qui souhaitent s’immerger dans une littĂ©rature exigeante sans que cela devienne un luxe. Cette politique tarifaire s’inscrit dans une logique de diffusion restreinte mais engagĂ©e, loin des circuits commerciaux traditionnels.

    Il est possible de s’abonner directement Ă  la revue grĂące Ă  un formulaire d’inscription inclus dans chaque numĂ©ro. Un choix qui rappelle les revues militantes et littĂ©raires du dĂ©but du XXe siĂšcle, oĂč l’abonnement Ă©tait souvent la seule maniĂšre de soutenir la publication et d’assurer sa pĂ©rennitĂ©.

    Dans un monde oĂč la littĂ©rature est parfois rĂ©duite Ă  une logique de marchĂ©, oĂč l’édition privilĂ©gie les textes formatĂ©s et rentables, L’Ours Blanc se dresse comme un bastion de rĂ©sistance. C’est une revue qui s’adresse Ă  ceux qui aiment la poĂ©sie pour ce qu’elle est : un art du langage, une maniĂšre d’explorer le rĂ©el par les mots, un dialogue entre les langues et les Ă©poques.

    Lire L’Ours Blanc, c’est :

    • DĂ©couvrir des auteurs et autrices peu connus en France, mais qui comptent dans la scĂšne littĂ©raire internationale.
    • Explorer des textes traduits avec soin, oĂč chaque mot est pesĂ© et rĂ©flĂ©chi.
    • PossĂ©der un objet Ă©ditorial de qualitĂ©, pensĂ© pour durer et se relire.
    • Soutenir une publication indĂ©pendante, loin des diktats de l’édition grand public.

    Si vous cherchez une revue qui allie exigence, curiositĂ© et ouverture, L’Ours Blanc est sans aucun doute une dĂ©couverte Ă  faire.


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    David – PoĂšte & Philosophe

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