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    Au jardin de l’Infante d’Albert Samain

    PubliĂ© en 1893, Au jardin de l’Infante est le premier recueil d’Albert Samain, poĂšte symboliste français dont l’Ɠuvre, empreinte de dĂ©licatesse et de musicalitĂ©, offre une plongĂ©e dans un univers onirique et mĂ©lancolique. Ce recueil, saluĂ© Ă  sa parution, tĂ©moigne d’une sensibilitĂ© exacerbĂ©e et d’une quĂȘte d’idĂ©al qui rĂ©sonne avec les aspirations spirituelles et esthĂ©tiques de la fin du XIXe siĂšcle.​

    Samain s’inscrit pleinement dans le mouvement symboliste, cherchant Ă  suggĂ©rer plutĂŽt qu’Ă  dĂ©crire, Ă  Ă©voquer l’invisible Ă  travers le visible. Ses poĂšmes, souvent comparĂ©s Ă  des tableaux, dĂ©peignent des paysages intĂ©rieurs oĂč l’Ăąme se reflĂšte dans des images empreintes de mystĂšre et de beautĂ©. L’influence de peintres comme Watteau ou Boucher se fait sentir, notamment dans la reprĂ©sentation de figures fĂ©minines idĂ©alisĂ©es et de scĂšnes empreintes de nostalgie.​

    Le poĂšme Ă©ponyme, L’Infante, ouvre le recueil et en constitue le cƓur symbolique. L’Infante, figure aristocratique et mĂ©lancolique, incarne l’Ăąme du poĂšte, solitaire et en quĂȘte d’absolu. Elle Ă©volue dans un palais dĂ©sertĂ©, entourĂ©e de souvenirs d’une grandeur passĂ©e, reflĂ©tant l’exil intĂ©rieur et la quĂȘte de sens. La mĂ©taphore filĂ©e de l’Ăąme comme une infante en robe de parade souligne cette identification entre le moi profond et la figure fĂ©minine idĂ©alisĂ©e.

    Le recueil explore des thĂšmes chers au symbolisme : la mĂ©lancolie, le rĂȘve, la fuite du temps, la beautĂ© Ă©vanescente. Les poĂšmes sont traversĂ©s par une nostalgie diffuse, une aspiration Ă  un ailleurs inaccessible. La nature y est souvent idĂ©alisĂ©e, servant de miroir aux Ă©tats d’Ăąme du poĂšte. La musicalitĂ© des vers, l’usage de l’alexandrin et des images Ă©vocatrices contribuent Ă  crĂ©er une atmosphĂšre envoĂ»tante.

    À sa parution, Au jardin de l’Infante connaĂźt un succĂšs notable, valant Ă  Samain le prix de poĂ©sie Archon-DespĂ©rouses en 1889 . Le recueil est saluĂ© pour sa finesse et sa sensibilitĂ©. Cependant, avec le temps, l’Ɠuvre de Samain tombe quelque peu dans l’oubli, jugĂ©e parfois trop prĂ©cieuse ou maniĂ©rĂ©e. NĂ©anmoins, des rééditions rĂ©centes, comme celle des ƒuvres poĂ©tiques complĂštes chez Classiques Garnier, permettent de redĂ©couvrir la richesse de son univers poĂ©tique.

    En conclusion

    Au jardin de l’Infante est un recueil qui mĂ©rite une redĂ©couverte attentive. Par sa musicalitĂ©, ses images Ă©vocatrices et sa profondeur symbolique, il offre une expĂ©rience poĂ©tique immersive, en rĂ©sonance avec des thĂ©matiques intemporelles telles que la quĂȘte de soi, la beautĂ© et le mystĂšre de l’existence. Pour les amateurs de poĂ©sie symboliste et les chercheurs de sens, l’Ɠuvre de Samain constitue une source d’inspiration et de mĂ©ditation.​

    David – PoĂšte & Philosophe

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    Embrasser l’Ă©phĂ©mĂšre dans sa splendeur fugace, c’est danser avec l’instant qui s’envole.
    Cette valse avec le prĂ©sent nous murmure que la mĂ©lancolie authentique peut ĂȘtre un joyau plus prĂ©cieux qu’un sourire de façade.

    To embrace the ephemeral in its fleeting splendor is to dance with the moment as it flies away.
    This waltz with the present whispers to us that authentic melancholy can be a jewel more precious than a facade of a smile.

    David – PoĂšte & Philosophe

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    L’art de se promener de Karl Gottlob Schelle

    La marche est un art, une mĂ©ditation en mouvement, une façon d’habiter le monde avec plus de lenteur et d’attention. De nombreux auteurs ont cĂ©lĂ©brĂ© les vertus de la promenade : Rousseau, Thoreau, Nietzsche, Walter Benjamin, chacun Ă  sa maniĂšre, a vu dans la marche une activitĂ© essentielle, presque philosophique. C’est dans cette lignĂ©e que s’inscrit Karl Gottlob Schelle, auteur du XIXe siĂšcle, qui livre dans L’art de se promener une rĂ©flexion sur la marche et ses bienfaits.

    À premiĂšre vue, le sujet a tout pour me plaire : une ode Ă  la lenteur, une cĂ©lĂ©bration du vagabondage intĂ©rieur et extĂ©rieur, un Ă©loge du corps en mouvement dans l’espace. Et pourtant, Ă  la lecture de cet ouvrage, je suis restĂ© mitigĂ©. Il y a du bon dans ce texte, des passages intĂ©ressants, mais aussi des lourdeurs, des rĂ©pĂ©titions, et une approche qui manque parfois de souffle et de profondeur.

    Il faut rappeler que Karl Gottlob Schelle Ă©crit en 1802. Son texte appartient Ă  une Ă©poque oĂč la marche commence Ă  ĂȘtre réévaluĂ©e comme une pratique noble, non plus seulement un moyen de dĂ©placement, mais un acte de rĂ©flexion, une expĂ©rience spirituelle. Il prĂ©cĂšde ainsi les Romantiques et les philosophes piĂ©tons du XIXe siĂšcle, et l’on peut saluer son intuition visionnaire.

    LĂ  oĂč le livre perd un peu en intĂ©rĂȘt, c’est dans son ton trop descriptif et parfois moralisateur. Schelle ne cherche pas tant Ă  nous faire ressentir la promenade qu’Ă  nous dire comment elle devrait ĂȘtre pratiquĂ©e, pourquoi elle est bĂ©nĂ©fique, et en quoi elle nous grandit.

    Or, la marche est avant tout une expĂ©rience sensorielle et intime. La rĂ©flexion de Schelle reste trop rationnelle, comme s’il s’agissait de convaincre un tribunal de la valeur de la promenade. On aurait aimĂ© plus d’évasion, plus de poĂ©sie, plus de ressenti personnel.

    MalgrĂ© mes rĂ©serves, L’art de se promener a de rĂ©elles qualitĂ©s.

    1. Un témoignage historique intéressant
      Schelle Ă©crit Ă  une Ă©poque oĂč la marche est encore perçue comme une activitĂ© triviale. En cela, il s’inscrit dans un mouvement de rĂ©habilitation, oĂč la promenade devient un acte philosophique, esthĂ©tique et moral. Il est un prĂ©curseur de ce qui deviendra, plus tard, une tradition intellectuelle forte.

    2. Des réflexions pertinentes sur les bienfaits de la marche
      Schelle Ă©voque les bienfaits physiques et mentaux de la promenade, et certains passages rĂ©sonnent encore aujourd’hui. Il parle de la marche comme d’un Ă©quilibre entre le corps et l’esprit, comme un moyen de se recentrer et d’échapper aux troubles de l’ñme.

    3. Un livre accessible
      Contrairement Ă  certains traitĂ©s philosophiques complexes, ce livre reste facile Ă  lire. Il peut ĂȘtre une introduction intĂ©ressante Ă  la rĂ©flexion sur la marche, mĂȘme si d’autres auteurs ont, depuis, approfondi ce sujet avec plus de finesse.

    Mais aussi quelques limites.

    1. Un ton professoral et un manque de lyrisme
      L’un des grands dĂ©fauts du texte est son ton trop acadĂ©mique. On ne ressent pas chez Schelle la joie pure de la promenade, cette sensation de libertĂ©, d’évasion, de dilatation de l’ĂȘtre que l’on retrouve chez un Rousseau ou un Thoreau.

    2. Un manque d’ancrage dans le sensible
      Schelle parle beaucoup de la promenade de maniĂšre thĂ©orique, mais il nous manque le vent dans les arbres, la sensation des pierres sous le pied, l’odeur de la terre aprĂšs la pluie. Son texte aurait gagnĂ© Ă  ĂȘtre plus incarnĂ©, plus sensoriel, plus vivant.

    3. Une approche parfois trop normative
      L’auteur ne se contente pas de vanter la marche, il semble vouloir dicter comment il faut se promener. Or, la beautĂ© de la marche rĂ©side justement dans sa libertĂ© absolue, dans le fait qu’elle ne rĂ©pond Ă  aucun dogme, aucun mode d’emploi.

    Si vous ĂȘtes passionnĂ© par l’histoire des idĂ©es, ce livre peut ĂȘtre intĂ©ressant, ne serait-ce que pour comprendre comment la marche est devenue un sujet philosophique. Mais si vous recherchez un texte vibrant, poĂ©tique, capable de vous donner envie de partir marcher dĂšs la premiĂšre page, mieux vaut vous tourner vers Henry David Thoreau (De la marche), FrĂ©dĂ©ric Gros (Marcher, une philosophie) ou encore Sylvain Tesson.

    En conclusion

    L’art de se promener est un livre intĂ©ressant, mais pas captivant. Il propose une rĂ©flexion historique et philosophique sur la marche, mais manque d’émotion et de chair. Il reste une curiositĂ©, un texte Ă  lire pour comprendre une Ă©poque, mais pas une Ɠuvre qui marque profondĂ©ment l’ñme du lecteur.

    En refermant ce livre, je n’ai pas eu cette irrĂ©sistible envie de chausser mes bottes et d’aller marcher. Or, pour un ouvrage qui prĂ©tend cĂ©lĂ©brer la promenade, c’est peut-ĂȘtre lĂ  son plus grand Ă©chec.

    David – PoĂšte & Philosophe

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    75. Aube

    FR
    Le jour se lĂšve en silence,
    Repousse la nuit de son souffle léger,
    Et drape mon horizon d’espĂ©rance,
    De sa lumiÚre à mes yeux juste née.

    L’ombre s’efface en un instant suspendue,
    Le noir se mue en un bleu vibrant,
    Électrique, profond, presque perdu,
    Murmure du ciel au cƓur du temps.

    Les nuages, figés dans leur danse,
    Voilent les étoiles guettées,
    Compagnes d’une nuit restĂ© sans dĂ©fense,
    OĂč mes rĂȘves se sont Ă  tout jamais Ă©loignĂ©s.

    Au loin, les lueurs de la ville s’éteignent,
    Comme des chaßnes qui se défont,
    Libérant mon ùme, douce et souveraine,
    De ses pensĂ©es oĂč l’écho rĂ©sonne.

    Et je m’avance, libre, l’ñme en paix,
    Vers l’aube qui chante harmonieusement et m’éveil,
    Baigné de clarté, éclat discret,
    RĂ©coltant mon pain sous l’or des merveilles.

    EN
    The day awakens in silence,
    Brushing night aside with a tender breath,
    And cloaks my horizon in hope’s expanse,
    With a light just born from its death.

    The shadow fades, a moment held in flight,
    The dark transforms to a vibrant blue,
    Electric, deep, near lost from sight,
    A whisper of sky in time’s quiet hue.

    The clouds, still in their solemn dance,
    Veil the stars I watched through the night,
    Companions of a defenseless trance,
    Where my dreams drifted far from light.

    In the distance, the city’s glows expire,
    Like chains unbinding, falling away,
    Freeing my soul, gentle and entire,
    From thoughts where echoes hold sway.

    And I step forth, free, my spirit at rest,
    Toward the dawn that sings and calls me near,
    Bathed in clarity, a soft gleam’s caress,
    To gather my bread ‘neath gold’s wondrous veneer.

    David – PoĂ©sie

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    74. ÉternitĂ©

    FR
    Je suis un ĂȘtre qui dĂ©borde,
    Une coupe bien pleine,
    Ce liquide de vie se déverse généreusement,
    S’offrant à l’infini.

    Ma joie coule sur un monde indifférent,
    Alors, je m’offre à toi,
    Pleinement et entiĂšrement,
    Sans limite et sans temps.

    À toi qui n’as de regard que pour moi,
    Je te nourris de mes pensées et de mes mots,
    De cet infini que je te donne sans compter.

    EN
    I am a being overflowing,
    A cup filled to the brim,
    This liquid of life pours out generously,
    Offering itself endlessly.

    My joy flows over an indifferent world,
    So I give myself to you,
    Fully and entirely,
    Without limit or time.

    To you, whose eyes see only me,
    I nourish you with my thoughts and my words,
    With this infinity I give without counting.

    David – PoĂ©sie